Des hausses floues et irréfléchies

13/12/2012

Plusieurs hausses ont été apportées dans la loi de finances, récemment adoptée par le parlement pour l’exercice 2013, si l’on ne mentionne que les recettes fiscales et les dépenses publiques. En ce temps dur traversé par le pays, ces hausses sont incompréhensibles dans les détails. Hugues Rajohnson, un économiste renommé, a apporté quelques éclaircissements sur ces hausses qui risquent de berner d’illusion le peuple malgache.

LaNation: D’après la loi de finances 2013, le taux de pression fiscale escompté, est de 11,4%. Une hausse modérée de l’ordre de 323,2 milliards d’Ariary des recettes fiscales est ainsi prévue, allant de 2.397,8 milliards en 2012 à 2.721 milliards d’Ariary en 2013. Quelles sont les effets d'une pression fiscale en ces temps de crise ?
Vous posez là une très bonne question. En effet, en temps de crise, l’Etat doit épargner toutes les entreprises de toute ponction supplémentaire, sauf évidemment dans le cas où il envisage de mettre en place une politique favorable à l’élargissement de l’assiette fiscale (opération d’envergure pour faire payer toutes les activités informelles, voire souterraines) ou bien favorable à une hausse de la consommation des ménages, ou bien allouer les aides aux entreprises victimes des événements de 2009. Ceci étant, j’aurai préféré que l’Etat fasse une cure d’amaigrissement pour que des entreprises puissent bénéficier d’une année sabbatique en matière de paiement d’impôts. En effet, il faut, maintenant, diminuer le poids de l’Etat dans l’Economie, laisser le secteur privé investir, puis les accompagner dans la création d’emploi et dans leurs projets d’investissement. Une autre initiative politique devrait être développée dans la garantie de prêt pour les nouveaux projets qui pourraient créer des emplois. Ces mesures Politiques devraient garantir des Recettes supplémentaires à court terme, c’est-à-dire dans les deux ou trois années qui viennent.
LaNation: Les dépenses publiques, tout en respectant l’austérité budgétaire, vont augmenter de 264,3 milliards d’Ariary en 2013 par rapport aux prévisions de la Loi de Finances 2012. Votre analyse sur ce sujet ?
Je crois que ce n’est pas le volume des dépenses qu’il faut voir, mais à quoi elles sont destinées. Ce qui n’a jamais été fait, c’est d’avoir des politiques prévisionnelles en matière de fluctuations conjoncturelles et cycliques. Par ailleurs, il est important de veiller aux apparitions d’irréversibilité, comme le boom des revendications salariales, d’indemnités et/ou d’avantages de toute sorte. Nous avons vu défiler, revendications et grèves, leurs causes, nous les connaissons toutes, mais ce qui sera dramatique, seront les conséquences pour les générations futures qui vont payer les frais. Puisque nous demandons pour nos enfants, l’effet boumerang sera dans « mandrora mitsilany ».
LaNation : Le gouvernement estime, dans le projet de loi des finances 2013, que l’inflation sera, en moyenne de 7,4% en 2013 contre 6,2% en 2012. Est-ce qu'il y aura vraiment une inflation à en juger la situation actuelle ?
Il y a divers sorte d’inflation. Ce qui se passe maintenant, c’est une inflation due à la dépréciation de l’Ariary par rapport aux principales devises. Nous aurons une augmentation des prix des biens importés. Nous avons une stagnation artificielle des prix, à cause de la faible hausse des prix du carburant. Le gouvernement essaie de maintenir les prix, mais si la monnaie continue à se déprécier, il nous sera difficile d’éviter une flambée des prix des biens et services dans les mois qui viennent. Il faudra qu’une diminution drastique de la masse monétaire pour maintenir les prix, mais cela reste inconcevable parce que le Trésor public a aussi besoin de la surliquidité sur le marché monétaire, pour subvenir aux manques éventuels, par le biais des Bons du trésor par adjudication ou BTA.

LaNation : Une dernière question, qu'est-ce qui risque de se passer avec la hausse de la pression fiscale ? Est-ce que l'Etat va être en mesure de contrôler le budget ou bien risque-t-il une insuffisance d'argent pour assurer l'année 2013 ?
Si la pression fiscale augmente, divers scénarios que nous connaissons tous, peuvent se produire : hausse de l’évasion fiscale, hausse de la corruption au niveau des administrations fiscales, … Nous aurons probablement une hausse des coûts et donc des prix des biens et services, … et malgré cela, nous aurons une revue à la baisse des recettes et donc des dépenses. Ces augmentations vont se répercuter sur le revenu des ménages. Les ménages vont diminuer leurs dépenses, faute de moyen ou bien, pour prévoir les risques [maladies, …] et vont thésauriser [garder leur argent à la maison] leur argent. Ils vont consommer les produits moins chers, d’où le risque élevé d’achat de produits avariés, … etc. Ce qui peut entraîner l’apparition de problème de santé publique. Les conséquences peuvent être incommensurables si tout cela se produit, car cela peut aboutir à une explosion sociale. Croisons nos doigts pour que cela n’arrive pas.