Un pouvoir coupé des réalités

12/01/2013

La capitale bruisse actuellement de mille rumeurs de remaniement, de complots et conjurations, depuis que la communauté internationale, par le biais de la Troïka du grand continent voisin, exhorte les acteurs politiques malgaches à presser le pas pour en finir avec cette crise qui traînent en longueur au détriment de tout un peuple. Les choses ont évolué lorsque le moment était venu pour deux principaux protagonistes Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana de se plier aux fermes injonctions des médiateurs internationaux. Le récent discours du président de la Transition devant tout le corps diplomatique, le 9 janvier dernier, avait eu pour effet de précipiter le cours des évènements.

Le ton énigmatique mais plein de défi, affiché par le jeune chef de file du mouvement TGV qui a provoqué la chute de Marc Ravalomanana, avait eu le don d’inciter les pays amis impliqués dans la recherche d’une solution acceptable pour tous, à ne plus s’éterniser au gré des tergiversations stériles et combien dangereuses pour la paix sociale. Irritée et complètement au bord de l’explosion, la société malgache, surtout au niveau d’Antananarivo, est à la merci de la moindre étincelle. Ce n’est pas parce que dans un sursaut de nationalisme à rebours, on montre les dents à l’endroit de quelques investisseurs malins et réticents pour passer à la caisse, parce qu’ils sont fatigués de jouer aux vaches laitières au profit de quelques aigrefins qui, au nom de la république, s’amusent à les racketter purement, que le pays connaîtra un mieux-être… Il faut plus de civisme militant.
Tous les voyants des indicateurs économiques sont au rouge. Les prix des produits de première nécessité, des carburants et les frais de transports public, connaissent une flambée que contrôlent mal des responsables. Dans les services du secteur public, la grogne enfle chaque jour, au point de troubler les longues nuits d’insomnie des responsables étatiques qui ne savent plus à quel saint se vouer. Chaque matin, dès qu’ils se réveillent, ils se trouvent confrontés aux incessantes revendications des corps professionnels qui, talonnés par une paupérisation galopante, sont obligés de réagir, face à un enrichissement sans cause d’une nouvelle classe de profiteurs. La presse n’arrête pas de dénoncer les diverses scandales et autres malversations ainsi que le recours abusif aux prérogatives étatiques. Comme de l’huile comme on jette sur le feu, les agissements et déclarations irresponsables et provocantes de quelques barons du régime qui supportent mal que des administrés s’en prennent et interpellent publiquement les gens d’en-haut et les rares élus qui gravitent autour des leviers de commande de l’Etat.
Mais il y plus grave. Une forme de zizanie très destructrice porteuse de démolition commence à prendre forme au sein même du système. Dans tel corps, pour se dédouaner, on offre en pâture à l’opinion publique des boucs émissaires et menus fretins pour donner l’illusion d’une détermination pour le nettoyage des services publics. Or, dans les couches défavorisés, l’ensemble des entités qui n’ont pas au confort et au luxe où se prélassent les chefs et les grands responsables gâtés par un régime qui cherche à se maintenir le plus longtemps possible dans une situation où tout est permis ou presque. Lorsque dans les casernes, les troupes sont complètement séparées des leurs par divers clivages inacceptables pour maintenir la discipline et que les bruits des récriminations diverses passent par-dessus les murs et parviennent dans la rue, le moment est venu pour qu’en haut-lieu, on prenne conscience de la gravité de la situation. Une semaine, il est question du remplacement du général ministre de la Défense par un autre général. Cette semaine, on chuchote sur l’éventualité du limogeage de tel autre général à remplacer par un autre qui vient de recevoir des étoiles. Les observateurs ne savent plus qui croire ! Entre-temps, les confidences de bouche à oreille font état de quelque chose de ce genre avec des noms qui changent, suivant l’informateur et des détails qui varient suivant le jour. Dans une atmosphère pareille, les attitudes des responsables civils ne sont guère rassurantes. On spécule sur un probable remaniement ou un simple toilettage de l’équipe gouvernementale au profit de telle ou telle mouvance plus ou moins exigeante, tel ou tel ministre à larguer. La crainte d’un décret d’abrogation entraîne des successions de nuits cauchemardesques dans les résidences des princes qui nous gouvernent. Tous ces bruits de la ville s’entrechoquent dans salons, qu’on en arrive à se demander s’il ne s’agit pas de fausses nouvelles intentionnellement rependues pour faire diversion et plonger la population dans une telle situation qu’elle n’a même plus le temps de réaliser qu’une bande de gros manipules les informations. L’objectif est peut-être finalement de faire en sorte que la masse des habitants de ce pays bernés de la sorte ne saisissent plus les plans diaboliques qu’on échafaude derrière leur dos. Et vogue la galère !