« La crise a fait perdre les repères aux Malgaches »

24/01/2013

Parler maintenant ou se taire à jamais. Surnommée la « dame de fer » malgache, Lalatiana Ravololomanana qui a voulu répondre à nos questions, ne ménage pas ses mots pour décrier l’attitude de ses pairs politiciens. Elle reste intransigeante sur l’idée que la « Refondation » devrait s’imposer maintenant. Le conseil œcuménique des Eglises chrétiennes devrait prendre le flambeau pour enclencher le débat et le processus de réconciliation. Interview exclusif. La Nation : En 2009, on avait crié pour un changement. Pourtant, actuellement, cette revendication résonne toujours sous les chaumières ? Pourquoi, à votre avis ?

Lalatiana Ravololomanana : La crise actuelle a débuté en 2009 après un soulèvement populaire. La soif de la démocratie, de la liberté d’une bonne partie de l’opinion, laquelle a été lassée par la dictature du régime Ravalomanana, finit par se manifester et conduire au renversement de ce régime. La crise a pris sa source là-dessus. Pourtant, une fois que les auteurs du renversement se sont emparés du pouvoir, ils ont complètement oublié leur devise, leur sacrifice, les fondamentaux. Les politiciens ont oublié leur devise en 2009. Et le pays a mal par ses soi-disant politiciens.
La Nation : Est-ce que la victoire du « Ni…ni » pourrait conduire le pays dans une véritable sortie de crise ?
Lalatiana Ravololomanana : Certes la communauté internationale a fini par arracher le « ni…ni » qui a, au lieu de nous conduire vers la clarté, nous conduit dans l’obscurité. Mais la crise est toujours là, aussi destructrice qu’elle est avant. Elle a fait perdre aux Malgaches ses repères. Je préconise un renouvellement de la classe politique.
La Nation : Quelle solution proposez-vous alors ?
Lalatiana Ravololomanana : Le conseil œcuménique des Eglises chrétiennes devrait revenir à la charge pour conduire la médiation dans le cadre d’un nouveau processus. La situation confuse actuelle est une occasion à jamais devant le FFKM pour participer activement à la refondation.
La Nation : Qu’attendez-vous exactement du conseil des Eglises ?
Lalatiana Ravololomanana : Il importe au FFKM de réunir toutes les forces vives nationales, de se lancer d’abord dans le débat, d’adopter une vision commune d’abord, la mise en place d’une transition la plus neutre possible et la tenue d’élection ensuite. Il faut que les politiciens fassent leur mea culpa, et se tenir en conclave et que ces derniers reconnaissent les erreurs sur erreurs qu’ils ont fait durant l’histoire politique de l’après-indépendance. La transition est une opportunité de bâtir. Il ne faut pas la rater. Le processus de réconciliation politique, économique et social, s’en suit après. Et il faut prendre des leçons à partir de ses propres histoires.
La Nation : N’avez-vous pas encore l’intention de rallonger la transition, suivant votre logique ?
Lalatiana Ravololomanana : Prenons du temps pour la refondation. Puisque, les politiciens ont failli à leurs missions fondamentales. Il n’est jamais trop tard pour bâtir. L’important c’est de partir d’une bonne base pour affronter le futur et d’une manière à pouvoir éradiquer les germes des crises cycliques qui ont secoué les précédents régimes. Il est donc temps de saisir l’occasion et de profiter de la situation pour se lancer dans le vrai débat d’idées.
La Nation : De quelle manière croyez-vous la possibilité d’une telle option ?
Lalatiana Ravololomanana : Il faudrait d’abord qu’on se débarrasse du culte de personnalité qui a animé les pratiques politiques depuis l’indépendance. Particulièrement à cette crise de 2009, les conflits des deux personnages ont été mis en avant. Il faut réorienter le débat vers les fondamentaux. Etablir un socle démocratique solide à partir d’un débat de fond, dans le cadre d’une Refondation, suivant le processus de réconciliation.
La Nation : Pourquoi avez-vous insisté sur la commémoration du 17 janvier dernier ?
Lalatiana Ravololomanana : La place de la Démocratie reflète l’espoir de changement, espoir de renouveau. Elle a symbolisé une lueur d’espoir pour la victoire de la démocratie alors qu’actuellement ce n’est pas le cas. Et une grande première dans l’histoire du pays, c’est la première fois qu’une place a été inaugurée spécialement pour la démocratie. Et c’est désolant que les politiciens ont boudé la commémoration.