Du jeu sans pain

12/12/2012

Le coliseum de Rome a traversé les siècles. Sa ruine attire toujours des millions de curieux venus du monde entier. Les Romains aimaient les jeux, parfois dangereux, et les empereurs adoraient distribuer du pain au peuple. « Panem et circenses » a été l’expression du poète satirique, Juvénal, restée célèbre, presque 20 siècles après sa disparition. Du pain et du jeu. La pratique a été immortalisée plus tard par les cinéastes qui racontaient les scènes des gladiateurs dans le coliseum.

L’empire romain pouvait se permettre ces extravagances. Sa puissance économique et militaire le permettait. Quant aux Malgaches qui viennent d’avoir leur coliseum, ils devront se contenter du jeu… sans pain. Tant pis si ce coliseum a coûté 12 milliards d’Ariary. Les artistes peuvent s’en réjouir. Mais il va falloir, par la suite, savoir le remplir ce vaste espace. Il n’y a pas de mal à disposer de nouvelles infrastructures. C’est une bonne chose d’avoir quelque chose de nouveau. Mais pas à n’importe quel prix, sans doute. Serait-ce un moyen de faire oublier tout ce qui ne tourne pas bien rond dans le pays ? Les gens savent pertinemment qu’on ne va pas leur distribuer du riz. On peut le faire de temps à autres, mais de manière artificielle, car normalement notre situation économique ne le permet pas. La Grande Ile n’est pas encore le dragon de l’Océan Indien. Non. Loin de là. Les Comores nous ont devancés depuis bien longtemps en termes d’Indicateur de Développement Humain. Et si dans les années 60, les professeurs des écoles primaires disaient aux élèves réunionnais que Madagascar était un pays où il y a plus de zébus que d’hommes, actuellement les gens nous voient bien autrement. Le coliseum de Rome et le coliseum de Madagascar sont issus de deux mondes et de deux réalités bien différents. Chez les Romains, c’était le symbole de la réussite et du gigantisme, voire de l’abondance et de la débauche. Chez nous, seule une minorité au sein de l’oligarchie qui gouverne le pays, peut se permettre ce genre d’excès. Il va falloir donc se contenter du jeu. Ou plutôt du concert. Celui d’hier a été gratuit. C’est bien normal à cinq mois du premier tour des présidentielles. Les autres concerts seront payants. Et on peut se demander qui pourra remplir le coliseum d’Antsonjombe lorsque le concert ne sera plus gratuit. Parmi tous ces artistes qui ont esquissé un grand sourire au chef de la Transition, on verra qui sera celui qui va tenter, en premier, le coup. Et le coût.